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CONSULTATION TECHNIQUE SUR LES CADRES JURIDIQUES ET LES INSTRUMENTS DE POLITIQUE ÉCONOMIQUE POUR L'AQUACULTURE COMMERCIALE DURABLE EN AFRIQUE DU SUD

Arusha (Tanzanie), 4-7 décembre 2001

POLITIQUES DE PROMOTION DE L'AQUACULTURE COMMERCIALE DURABLE EN AFRIQUE SUBSAHARIENNE

RÉSUMÉ

Le présent document passe en revue les politiques qui peuvent être utilisées pour promouvoir l'aquaculture commerciale durable. Dans le cadre de politiques non sectorielles, la bonne gestion est considérée comme un facteur clé pour attirer les investisseurs vers l'aquaculture commerciale et pour influer sur la croissance économique à long terme. La stabilité politique est particulièrement intéressante pour les investisseurs en Afrique subsaharienne. Favoriser des politiques comportant, par exemple, des droits garantis à l'utilisation des terres, voire à la propriété des terres, et un taux de change approprié, encourage l'investissement. Le zonage et l'obligation d'acquérir des permis négociables à long terme pour établir des fermes sont quelques-unes des politiques aquicoles que les gouvernements des pays d'Afrique subsaharienne pourraient utiliser pour réglementer le développement de ce secteur. Un principe général consiste à établir un cadre législatif compatible avec les contraintes liées au suivi et à l'exécution et qui assure la durabilité de l'environnement. On évitera une réglementation excessive; elle peut porter préjudice à l'industrie et est coûteuse sur le plan financier. La plupart des pays de l'Afrique subsaharienne manquent de lois en matière d'aquaculture, ce qui peut dissuader les investisseurs car cela est source d'incertitude. Lorsque la législation est inexistante, les lois agricoles concernant l'accès à la terre et à l'eau peuvent être appropriées pour un cadre législatif pour l'aquaculture. Pour administrer le secteur, le mieux est de mettre en place un organisme de coordination chef de file; lorsque cela est impossible, un comité de coordination composé de fonctionnaires de différents ministères pourrait être un arrangement provisoire. Des incitations économiques telles que les exonérations et les trêves fiscales, les exemptions des droits à l'importation, les cautionnements et l'autosurveillance peuvent compléter la réglementation directe du développement de l'aquaculture. Dans la mesure du possible, la recherche et la vulgarisation seront conduites par le secteur privé et coordonnées par des associations de producteurs. Le secteur privé devrait aussi s'occuper de la production et de la distribution de reproducteurs. De grandes opérations pourraient être indispensables pour appuyer l'aquaculture de petite échelle. Il pourrait s'agir d'agro-industries qui possèdent le savoir-faire pour produire ses propres aliments pour poissons, et pour commercialiser sa production à l'étranger. Il faudrait encourager des associations de producteurs bien gérées et responsables; elles sont un moyen de soutenir et de diffuser les connaissances techniques et pourraient être utilisées comme agents de commercialisation et comme contrôleurs de l'autosurveillance de l'environnement. La Consultation est invitée à réviser s'il y a lieu et à faire siennes les idées analysées dans le présent document et à définir des actions qui, dans le cadre de la FAO, pourraient contribuer à la mise en oeuvre des politiques passées en revue et à la promotion de l'aquaculture commerciale durable en Afrique au sud du Sahara.

I. INTRODUCTION

1. Le Comité des pêches continentales pour l'Afrique (CPCA) indique des politiques gouvernementales habilitantes rationnelles1 comme étant le facteur le plus critique pour le démarrage et/ou le développement de l'aquaculture commerciale. Elles visent à encourager la confiance parmi les investisseurs en réduisant les risques et en faisant baisser les coûts pour des activités commerciales. Certaines de ces politiques ont un caractère général car elles visent à créer un climat favorable à tous les investissements privés, y compris des investissements dans l'aquaculture; on parle alors de politiques non sectorielles. D'autres sont axées sur la promotion d'un secteur particulier comme l'aquaculture commerciale; il s'agit de politiques sectorielles.
2. Le présent document passe en revue des politiques de promotion du secteur aquicole et d'autres secteurs qui sont mises en oeuvre dans plusieurs pays. En tant que tel, il offre un cadre de politique générale idéal pour permettre la création d'une aquaculture commerciale durable si d'autres conditions pour le développement de l'industrie sont remplies, ou son développement. Plus ces conditions sont remplies, plus il est probable qu'une aquaculture commerciale se développera de manière durable.

II. POLITIQUES NON SECTORIELLES

3. Une politique habilitante non sectorielle suppose une bonne gestion publique, une ouverture commerciale, une croissance macro-économique et l'accent mis sur l'investissement privé.

4. La bonne gestion englobe des politiques qui traitent des questions de stabilité politique, des droits de propriété sûrs, des mesures anticorruption et un renforcement des facteurs institutionnels, tels que la législation sur les faillites et l'exécution des contrats.

5. Les sociétés sous contrôle étranger considèrent la stabilité politique comme le déterminant le plus important pour l'investissement en Afrique et la place parmi les principales causes du succès ou de l'échec d'un investissement. Les entreprises nationales classent aussi le risque politique parmi les aspects les plus importants. Dans la plupart des pays subsahariens examinés par le Forum économique mondial en 1998, les entreprises se plaignaient de l'instabilité politique, de l'incertitude des règles et des lois et du non-respect des contrats par les gouvernements.

6. Les droits de propriété influent sur les incitations offertes aux producteurs pour internaliser les effets externes. Des droits fonciers mal définis ont gêné le développement de l'aquaculture dans de nombreux pays. Pour réduire cette contrainte, les gouvernements ont étendu des droits d'utilisation moyennant des périodes de bail plus longues.

7. Il existe en Afrique subsaharienne un grand nombre de droits à la terre. Dans certains cas, ces droits ne sont pas clairement définis. Cela peut être dispendieux et ruineux car cela augmente le prix de la terre pour les investisseurs, causer des litiges sur la terre et faire échouer complètement le projet. Dans la plupart des cas, le processus d'acquisition des terres est long et frauduleux. Certains pays ont des titres individuels sans aucune restriction, d'autres imposent des restrictions. Dans d'autres pays, la terre est dévolue à l'État et les individus jouissent seulement de droits d'occupation et d'usage. Les investisseurs étrangers s'inquiètent de ce que les titres fonciers ne seront pas validés et les occupants hésitent à louer à bail dans le cas où les droits sont transférés au nouvel utilisateur. Une propriété librement échangeable et sûre offre mobilité, incitations et garanties. Toutefois, la question des droits à la terre est très délicate, et les titres de propriété foncière peuvent être moins importants pour l'aquaculture commerciale que ceux concernant l'utilisation et l'occupation garanties avec un bail d'une durée suffisante (20 à 50 ans renouvelables) pour stimuler l'investissement.

8. L'investissement privé est aussi négativement lié à la corruption. Les investissements étrangers directs en particulier réagissent très négativement à la corruption. Cela s'applique notamment aux formes plus irréversibles d'investissement étranger direct, par exemple l'investissement dans l'agriculture. En poussant les firmes hors du processus réglementaire officiel et en obligeant les gestionnaires à consacrer temps et argent aux fonctionnaires, la corruption fait monter les coûts de transaction. Elle est également liée positivement à la puissance de monopole et au pouvoir d'appréciation, et inversement liée à la responsabilité. En réduisant le pouvoir réglementaire arbitraire, les mesures de réforme structurelle sont un moyen de combattre la corruption. L'éducation publique peut aussi être une arme efficace et prévenir la corruption.

9. Des facteurs institutionnels peuvent encourager les investisseurs à prévoir sur le long terme, mais ils peuvent aussi les décourager s'ils réduisent la compétitivité, ils prennent beaucoup de temps et encouragent la corruption. Dans certains pays d'Afrique subsaharienne, les entreprises indiquent que les règlements sont imprécis et pèsent lourdement sur la compétitivité. Dans d'autres, les cadres dirigeants consacrent près du quart de leur temps à l'obtention ou à la négociation de licences et de règlements. On peut renforcer les institutions moyennant l'établissement et la mise en application de règlements.

10. Tant l'ouverture commerciale que les politiques de croissance macroéconomique sont des déterminants positifs de l'investissement privé. La croissance économique peut être accélérée par l'ouverture commerciale, l'appel à l'investissement privé intérieur et étranger, l'investissement dans la santé et l'éducation. Ces politiques concernent tant l'Afrique que les autres pays.

11. Les réformes administratives et structurelles comprenant la libéralisation du secteur agricole, la réduction de l'intervention gouvernementale, le démantèlement des monopoles de l'État, l'établissement de taux d'intérêt déterminés par le marché et la privatisation de quelques entreprises gouvernementales, le maintien d'un taux de change effectif constant et la stabilité des taux de change sont aussi des politiques importantes qui favorisent la croissance macroéconomique. Des taux de change inappropriés influent négativement sur la confiance et la viabilité des entreprises. Lorsqu'ils sont surévalués, les taux de change limitent les exportations et encouragent les importations. Dans la plupart des pays subsahariens, les produits de l'aquaculture commerciale sont en compétition avec le poisson importé provenant des pêches de capture. Ainsi, des taux de change surévalués réduisent la compétitivité des produits aquicoles en abaissant le prix intérieur des poissons importés.

12. En faisant ressortir le dysfonctionnement du marché et la nécessité des interventions gouvernementales, les politiques de développement traditionnelles ont augmenté l'inefficacité et conduit à une saturation administrative. Les incitations étaient ignorées et les résultats étaient souvent contraires aux intentions. De nouvelles approches du développement économique ont réduit la confiance vis-à-vis du gouvernement pour mettre l'accent sur le secteur privé en tant que créateur de richesses. Elles utilisent les principes de l'économie de marché pour amener à une allocation plus efficace des ressources. Dans le cas du développement de l'aquaculture en Afrique subsaharienne où la fourniture d'intrants par l'État est compromise par le désengagement budgétaire, le modèle de marché serait refléter dans la privatisation de la production d'alevins et des stations piscicoles, ainsi que dans la privatisation de la production et de la distribution d'aliments pour poissons.

III. POLITIQUES SECTORIELLES

13. Les politiques aquicoles peuvent être définies à l'échelon macroéconomique si elles sont destinées à orienter le développement du secteur dans son ensemble, ou à l'échelon microéconomique si l'objectif est d'aborder un problème particulier au niveau de l'exploitation.

A. POLITIQUES SECTORIELLES À L'ÉCHELON MACROÉCONOMIQUE

14. Les politiques macroéconomiques peuvent être réglementaires et juridiques, administratives et économiques ou imposées par l'industrie elle-même; elles sont destinées à assurer un développement ordonné du secteur. Elles peuvent aussi être définies en réponse à des problèmes réels ou perçus concernant l'offre ou la demande de l'industrie; elles sont considérées comme des politiques régies par l'offre et la demande.

A1. Politiques réglementaires/juridiques, administratives et économiques ou imposées par l'industrie elle-même.

15. Les réglementations aquicoles fournissent un environnement ordonné et durable pour son développement en réduisant les effets externes négatifs tels que la pollution ou les conflits au sujet des droits relatifs à l'eau, des droits à la terre et des zones de fonds marins, conflits causés par des régimes de biens à accès libre.

16. Une caractéristique commune de la réglementation en matière d'aquaculture est l'obligation d'acquérir des permis pour établir une ferme. Il faut aussi des permis pour la collecte de données. Une obligation liée à l'approbation des permis pourrait être la fourniture de statistiques sur la production et sur des questions techniques.

17. L'obtention des permis nécessaires peut comporter le recours à plusieurs ministères, exiger beaucoup de temps et enfin décourager d'éventuels investisseurs. Dans certains pays, l'approbation peut prendre plusieurs années du fait que chaque permis est entièrement réévalué par chaque département, ce qui empêche le développement de l'industrie. Cela porte à croire que les règlements ne devraient pas être trop lourds. En outre, une fois que les propositions ont été soumises, le processus d'approbation devrait être le plus rapide et le plus transparent possible. Cela réduit le potentiel pour la corruption et augmente la probabilité d'investissement. Des dates limites devraient être imposées et chaque organisme ne devrait intervenir que dans son domaine de compétence.

18. La durée des permis varie, mais la plupart ont une validité de plusieurs années. Les permis pour de brèves périodes, par exemple d'une durée d'un an, peuvent être trop courts pour encourager suffisamment les investissements dans le secteur. Dans certains pays, les baux aquicoles peuvent s'étendre jusqu'à vingt et un ans, mais des licences sont nécessaires et ne sont établies que pour douze mois. La période de licence brève permet aux responsables de la réglementation de contrôler le site, alors qu'une période de bail plus longue donne aux agriculteurs le temps d'amortir leur investissement.

19. Dans certains pays, les permis sont échangeables, ce qui encourage l'efficacité et le regroupement. Néanmoins, pour protéger l'intérêt public, on peut demander parfois que les transferts soient approuvés.

20. La réglementation peut être source d'inefficacité et de rigidité bureaucratique, ce qui empêche le développement et l'expansion, et peut être difficile à appliquer. L'inefficacité et la rigidité bureaucratique sont parfois dues au chevauchement des lois, règlements ou juridictions, ce qui complique les demandes et freine le développement de l'aquaculture. Le danger est grand dans les États fédéraux. Là où les réglementations sont nombreuses, les demandeurs peuvent être assistés par un centre d'information polyvalent pour les procédures administratives où ils trouveront facilement toutes les informations dont ils ont besoin. En l'absence d'un document unique contenant toute la réglementation, on peut avoir recours à du personnel provenant de différents organismes sur un site.

21. Le suivi et la mise en application prenant beaucoup de temps et étant coûteux, le cadre réglementaire devrait être réduit au minimum, et pouvoir être suivi et mis en application à peu de frais. Les règlements devraient au moins couvrir des questions juridiques clés telles que la place générale de l'aquaculture dans le système juridique, l'accès à la terre et à l'eau, les règlements environnementaux, l'importation de poissons vivants et l'introduction d'espèces non indigènes et l'utilisation de produits dérivés des nouvelles technologies, y compris des organismes génétiquement modifiés.

22. Il y a de nombreux exemples en Afrique subsaharienne où l'aquaculture relève de plus d'un ministère. Cela conduit à des doubles emplois, à des rivalités et à des gaspillages. Il est préférable qu'un seul organisme gouvernemental soit responsable du développement de l'aquaculture. L'organisme resterait en contact avec d'autres ministères qui s'occupent de la production vivrière et de ressources naturelles, et coordonnerait le secteur.

23. Les incitations économiques et l'autosurveillance par l'industrie elle-même sont des mesures complémentaires pour contrôler les techniques. Les incitations économiques misent sur les prix en tant qu'indicateur pour orienter un comportement approprié et éviter certaines des dépenses de suivi et de mise en application. Elles peuvent être positives, par exemple des exonérations fiscales pour ceux qui traitent les eaux usées, des prêts à des taux d'intérêt subventionnés pour ceux qui installent des systèmes de traitement des eaux, des cautionnements ou des dépôts qui sont requis et remboursés si l'environnement n'est pas endommagé. Elles peuvent aussi être négatives par exemple une taxe, un droit sur les eaux usées, ou pour décourager la surutilisation de substances dangereuses pour l'environnement, par exemple les antibiotiques.

24. L'autosurveillance par le biais de l'influence de pairs peut être efficace, particulièrement pour les pisciculteurs faisant des prévisions sur le long terme. L'application des pratiques de meilleure gestion est fondée sur la communauté. Les pisciculteurs sont incités à produire de manière responsable, et sont plus enclins à internaliser les effets externes sur l'environnement que beaucoup d'autres activités car les atteintes portées à l'environnement affectent directement leur propre production. Ainsi, conscients qu'ils y trouveront leur compte, les pisciculteurs eux-mêmes sont encouragés à réduire la pollution.

A2. Politiques sectorielles régies par l'offre et la demande

25. Une des caractéristiques de l'aquaculture en Afrique subsaharienne est l'existence de stations piscicoles gouvernementales. La plupart ont été construites par des donateurs pour produire des alevins et des poissons comestibles, fournir une démonstration des techniques et pratiques aquacoles aux pisciculteurs et/ou servir de centre de formation et de recherche. Toutefois, les coûts d'exploitation ne pouvaient être couverts par les gouvernements lorsque les fonds offerts étaient épuisés; la plupart des stations ont alors été abandonnées. Compte tenu de la condition précaire de certaines stations, une stratégie appropriée consiste en la cession de nombreuses stations piscicoles au secteur privé. La privatisation décharge les gouvernements des coûts d'exploitation et favorise une bonne gestion. S'il n'y pas d'intérêt de la part des investisseurs, la gestion au moins pourrait être privatisée. Avec une gestion efficace, la station pourrait devenir rentable, suscitant ainsi l'intérêt des investisseurs locaux.

26. De plus en plus en Afrique subsaharienne, les fortes compressions budgétaires s'exerçant sur les services de vulgarisation séparés pour l'agriculture et l'aquaculture portent à l'amalgame des deux et à la création d'un service unifié. Avec un système de vulgarisation unifié, les travailleurs ne sont pas toujours familiarisés avec le secteur moins important, c'est-à-dire l'aquaculture. Pour fournir une assistance technique adéquate tout en réduisant au minimum les dépenses publiques, des services de vulgarisation axés sur des groupes de pisciculteurs et des dirigeants d'exploitations piscicoles pourraient s'avérer avantageux. Une solution réside dans la politique de «l'utilisateur doit payer» ou de «la redevance pour service rendu», selon laquelle les pisciculteurs paient pour les services de vulgarisation en fonction de l'usage. Outre qu'elle rationne le personnel et les fonds rares, cette politique présente l'avantage d'inciter à améliorer les conseils techniques et à faire contribuer le secteur privé aux services de vulgarisation, notamment en encourageant une meilleure formation du personnel et des pisciculteurs.

27. Afin de se développer, l'aquaculture commerciale nécessite une infrastructure et des intrants qui ne sont pas toujours aisément disponibles: écloseries, nurseries, usines de traitement et même des fabriques d'aliments pour poissons ou des installations pour entreposer les aliments pour poissons importés. Pour remédier à ces difficultés, certains gouvernements ont adopté une stratégie consistant à encourager des investissements provenant d'opérations industrielles de grande envergure. Seuls les grands opérateurs avaient accès à leurs propres sources de capitaux et de compétences et pouvaient investir dans des infrastructures de manière rentable.

28. Si la participation nationale à l'aquaculture commerciale est faible ou inexistante, comme c'est le cas en Afrique subsaharienne, une stratégie consiste à attirer des investissements étrangers directs. Cela accélère l'acquisition de technologies et de compétences et peut donner de l'élan à l'ensemble du secteur. Des entreprises ou sociétés en participation pourraient être encouragées; elles apportent des capitaux et des compétences étrangers tout en offrant aux investisseurs nationaux la possibilité de participer et d'acquérir des connaissances techniques. Toutefois, les investisseurs étrangers demanderont des garanties concernant le rapatriement des bénéfices et des capitaux, et une conversion monétaire sans restrictions et peut-être des exonérations fiscales et autres incitations telles que la conversion de créances en participations et des trêves fiscales.

29. Un pisciculteur ou un responsable gouvernemental souhaitant promouvoir l'aquaculture se demande notamment quelle espèce il faut produire. Trois facteurs devraient guider le choix des espèces pour l'aquaculture commerciale: 1) le marché: le produit peut-il être vendu? Quel est l'avantage compétitif et le marché changera-t-il?; 2) la technologie: y-en-a-t-elle une qui peut produire l'espèce? 3) le choix entre une espèce endémique et une espèce introduite. Ce dernier choix se pose si, pour être économiquement viable, l'aquaculture commerciale a besoin d'introduire une espèce non indigène. Ensuite, les responsables des politiques doivent peser les coûts (dangers écologiques) et les avantages sociaux et économiques potentiels de l'importation d'espèces étrangères pour décider s'il faut introduire une nouvelle espèce pour l'aquaculture, prêtant l'attention voulue à une évaluation approfondie et appropriée des risques a priori selon les règles recommandées. La FAO a établi des directives pour l'introduction des espèces étrangères.

30. Les gouvernements peuvent aussi stimuler l'aquaculture commerciale par le biais de politiques de commercialisation en établissant un marché pour la manutention et la vente de poissons dans de bonnes conditions d'hygiène, en investissant dans les marchés commerciaux et en apportant une aide logistique, par exemple en fournissant de la glace et des moyens de transport aux gros acheteurs. Ces activités visant à faciliter les opérations diminueraient à mesure que l'industrie se développe, le secteur privé prenant de plus en plus en main la commercialisation et le transport à mesure que de grandes firmes s'établissent.

31. Les associations de producteurs peuvent être utiles en tant que groupe de pression pour promouvoir l'aquaculture commerciale. On a souvent recours à elles pour échanger des informations, diffuser des connaissances techniques, augmenter la part du marché par le biais de la différenciation des produits et la commercialisation de produits génériques; elles garantissent également une bonne qualité du produit, surveillent les règlements et financent même la recherche appliquée.

32. En Afrique subsaharienne, l'aquaculture faisait déjà l'objet d'étude dans les années 1940 et 1950 dans certains pays. Cependant, l'impact de la recherche, comme l'indique la production, a été limité. La faible production peut être attribuée en partie au fait que l'on a négligé d'offrir aux producteurs des incitations économiques et que la coordination de la recherche et de la diffusion problématique des résultats de la recherche a laissé à désirer. On a proposé comme solution d'établir un réseau d'information régional.

33. L'efficacité de la recherche a également pâti du manque de recherche régie par la demande. Si le calendrier est déterminé par une approche descendante, les compétences spécialisées existantes et les intérêts personnels orienteront la recherche financée par l'État. Cela conduit souvent à la prédominance de la recherche biologique et technique, à savoir les techniques et les systèmes aquicoles, aux dépens d'autres domaines comme la politique, la planification, la socioéconomie et la gestion. Pour obtenir une recherche régie par la demande, une stratégie consiste à faire participer le secteur privé, soit comme source de financement, soit comme l'une des parties prenantes établissant le calendrier des activités de recherche.

34. Un facteur qui accélère le financement de la recherche privée est le regroupement d'entreprises. Lorsque les entreprises se regroupent, elles consacrent plus d'argent aux activités de recherche. Les fermes piscicoles monopolisatrices ou parfaitement compétitives ne peuvent consacrer des bénéfices excédentaires à la recherche soit parce qu'elles n'en ont pas, soit parce qu'elles peuvent vendre tout ce qu'elles veulent au prix donné, étant ainsi moins encouragées à innover. Les fermes de structure oligopolistique ont toutefois les moyens de financer la recherche parce qu'elles ont des bénéfices excédentaires et sont incitées à innover car, régie par la demande, la recherche peut procurer des gains technologiques et un avantage à celui qui agit le premier.

35. La plupart des pays d'Afrique subsaharienne n'ont pas de plan aquicole. Du fait que la promotion de l'aquaculture requiert une approche globale, un plan stratégique est utile. Il fournit une série complète de politiques pour parvenir aux objectifs fixés et garantit que des activités interdépendantes, comme l'agriculture, l'aquaculture et les pêches, sont incluses, que des problèmes d'environnement tels que l'accès à l'eau ou à la terre, sont abordés et que la combinaison de mesures prises est cohérente. Il diminue également le chevauchement institutionnel des juridictions. Lorsque plusieurs institutions sont responsables de l'aquaculture avec toute la rivalité et tous les doubles emplois que cela suppose, un plan sectoriel favorise le consensus au sujet des objectifs et des stratégies. Un « bon plan » consiste en une stratégie proactive pour le développement du secteur et devrait être réaliste et applicable avec des scénarios et des options stratégiques.

B. POLITIQUES SECTORIELLES AU NIVEAU DE L'EXPLOITATION

36. Du fait que les poissons produits commercialement par des fermes privées ne sont pas un bien public (ils appartiennent aux producteurs), la question se pose de savoir si les gouvernements devraient intervenir dans l'aquaculture commerciale au niveau des exploitations piscicoles. Les gouvernements interviennent: 1) parce que l'aquaculture peut créer des effets externes négatifs au niveau des exploitations, y compris la pollution ou la gêne causée par l'aquaculture à d'autres utilisateurs des voies navigables et des terres, effets qui non seulement pourraient avoir un coût élevé pour la société, mais aussi être difficiles à régler par l'intermédiaire des tribunaux; 2) en raison des avantages pouvant découler de l'aquaculture commerciale (recettes fiscales, recettes en devises, emplois, équipements sociaux).

37. Les politiques gouvernementales au niveau de l'exploitation peuvent consister en des politiques de démarrage pour stimuler l'industrie, en des mesures de relance pour aider l'industrie à se développer et en des politiques de promotion des exportations pour protéger les producteurs nationaux de la concurrence étrangère et aider l'industrie à être compétitive à l'échelon international.

B1 Politiques de démarrage

38. En général, l'aquaculture commerciale se développe suivant trois ou quatre phases: des débuts (10-15 ans) à la croissance, puis la maturité et peut-être le déclin. Les politiques de démarrage, qui peuvent consister en un premier financement à titre de dons sous la forme de recherche, d'exonérations fiscales, de protection tarifaire et non tarifaire peuvent être critiques dans la première et la deuxième phases. Ce premier financement est justifié par l'incapacité des industries naissantes à obtenir des fonds privés et à être compétitives. Si les entreprises apprennent à le faire, les coûts diminueront avec l'expérience à mesure qu'elles se développent. Ensuite, en théorie, l'aide du gouvernement devrait s'arrêter.

39. Malheureusement, de nombreux pays d'Afrique subsaharienne manquent des ressources nécessaires pour consentir un premier financement et assurer le suivi du personnel. Une autre forme de financement de démarrage consiste à émettre des obligations pour les pisciculteurs. Pour les gouvernements, le financement des obligations présente l'avantage de ne pas nécessiter de décaissements immédiats.

B2. Mesures de relance

40. Une fois que les activités aquicoles ont démarré, les pisciculteurs rencontrent souvent des difficultés pour s'étendre. Le développement de l'aquaculture commerciale en Afrique subsaharienne est fortement limité, en particulier par la non-disponibilité et le coût élevé des aliments pour poissons, des reproducteurs et des apports de capital.

41. Dans certains pays d'Afrique subsaharienne, la demande limitée d'aliments pour poissons et le coût élevé des sous-produits agricoles ont entravé le développement de l'industrie des aliments pour poissons, bien qu'il y ait des exceptions. Une mesure propre à résoudre la non-disponibilité d'aliments pour animaux consiste à développer cette industrie en encourageant les investissements dans l'aquaculture provenant d'une grande ferme. Une autre politique est d'encourager les sociétés d'élevage à se diversifier en aquaculture et en production d'aliments pour animaux. Si des aliments pour poissons peuvent être importés, mais au coût en devises, des politiques de remplacement des importations peuvent être souhaitables.

42. Comme avec la production des aliments pour poissons, la disponibilité de reproducteurs en Afrique subsaharienne, en particulier de larves de crevettes et d'alevins, se heurte à des problèmes de quantité et de qualité. Pour assurer une offre suffisante de reproducteurs et maintenir des alevins de bonne qualité, une politique appropriée consisterait à pousser un certain nombre de pisciculteurs à se spécialiser dans la production de reproducteurs et de les former aux techniques d´alevinage modernes.

43. L'aquaculture commerciale a des besoins importants en capitaux pour le capital fixe de démarrage et pour le capital d'exploitation afin de couvrir le manque de liquidités. Malheureusement, en Afrique subsaharienne, les institutions financières hésitent à fournir du crédit à l'aquaculture. Pour augmenter l'accessibilité des fermes commerciales au crédit bancaire, un certain nombre d'options existent. En raison de la complexité du problème, les politiques concernant ce point seront examinées dans un document séparé.

44. Pour des produits faisant l'objet d'un commerce international, par exemple les crevettes, les tilapias et les poissons-chats d'élevage, les coûts élevés des reproducteurs et des aliments pour poissons peuvent placer l'Afrique subsaharienne dans une condition de désavantage compétitif par rapport aux producteurs étrangers engagés dans la concurrence. Il peut être coûteux et inefficace de subventionner les achats d'intrants et cela peut conduire à des distorsions. Toutefois, si grâce au soutien accordé durant la première phase, les coûts des intrants baissent, les subventions aux achats d'intrants peuvent être temporairement ciblées sur l'industrie. Des politiques qui conduisent à la fourniture d'aliments pour poissons et de reproducteurs peuvent aussi amoindrir le problème des coûts élevés.

B3. Politiques de promotion des exportations

45. Si le produit fait l'objet d'un commerce international, l'expansion de l'aquaculture peut être internationale et causer une évolution dynamique des parts de marché à l'échelon mondial. L'intervention du gouvernement peut être nécessaire pour que l'industrie conserve sa part du marché international.

46. Si elles sont acceptables dans le cadre des accords commerciaux internationaux (voir la documentation de l'Organisation mondiale du commerce concernant les subventions et les mesures compensatrices), les politiques encourageant les exportations sont moins créatrices de distorsions que les politiques concernant le remplacement des importations. Elles consistent principalement en des incitations économiques, par exemple des exonérations et trêves fiscales et des exemptions des droits d'importation. Les dirigeants d'entreprises en Afrique citent les taxes comme un des principaux problèmes (sociétés nationales) ou comme le deuxième problème par ordre d'importance (sociétés étrangères). Par conséquent, le dégrèvement fiscal peut être une incitation efficace. Pour les gouvernements, il présente l'avantage de ne pas entraîner de dépenses directes.

IV. CONCLUSIONS

47. À partir des politiques aquicoles et non aquicoles aux niveaux macro- et microéconomique, les gouvernements des pays d'Afrique subsaharienne ont le choix entre de nombreuses politiques pour promouvoir l'aquaculture commerciale.

48. Au niveau macroéconomique, les gouvernements ont peu de fonds discrétionnaires pour l'aquaculture commerciale. Cela porte à croire que les politiques dans la région devraient être axées presque exclusivement sur celles qui comportent peu de dépenses budgétaires.

49. Au niveau microéconomique, bien que dans certains pays le financement de démarrage ait réussi à stimuler l'investissement dans l'aquaculture commerciale, la majorité des gouvernements en Afrique subsaharienne manquent des ressources nécessaires pour mettre en oeuvre la politique. Ainsi, si les producteurs demandent fréquemment des subventions pour les aliments pour animaux, les reproducteurs et les taux d'intérêt, le coût est habituellement prohibitif. De plus, les subventions faussent les signaux du marché et sont difficiles à éliminer. Celles visant à stimuler l'aquaculture commerciale et à permettre son développement semblent irréalistes dans le contexte de désengagement budgétaire de l'Afrique subsaharienne.

50. Malgré l'opposition aux restrictions toutefois, certaines options sont réalisables. Parmi les plus prometteuses figurent les exonérations et les trêves fiscales. Alléger les sociétés du fardeau de l'impôt sur le revenu, leur permet de devenir financièrement plus sûres dès leur démarrage. Si elle vise précisément l'aquaculture commerciale, l'incitation permettra une diversification du secteur. Le gouvernement perd l'accès aux recettes fiscales à court terme mais gagne des bénéfices potentiels à long terme. Un choix similaire existe en exemptant les pisciculteurs des taxes sur les ventes ou des droits de douane. L'impact sur la production prendra plus du temps du fait que la réduction dans les coûts variables se produit sur plusieurs années.

51. L'existence de l'aquaculture commerciale ne devra pas menacer l'aquaculture rurale de petite échelle. Des politiques appropriées seront nécessaires pour assurer que les deux formes d'aquaculture coexistent, se complètent et se soutiennent mutuellement.

V. MESURES PROPOSÉES À LA CONSULTATION

52. La consultation est invitée à:

· réviser s'il y a lieu et faire siennes les idées analysées dans le présent document;

· définir des actions qui, dans le cadre de la FAO, pourraient contribuer à la mise en oeuvre des politiques passées en revue dans le présent document et à la promotion de l'aquaculture commerciale durable en Afrique au sud du Sahara.

1

Conditions qui peuvent être contrôlées par les gouvernements et les responsables des politiques.